Podcast: Play in new window | Download (Duration: 15:02 — 20.7MB) | Embed
Subscribe: Apple Podcasts | Android | Blubrry | RSS | More
Social selling BtoB : le réseautage comme outil d’aide à la vente, à l’époque où les commerciaux du monde entier rêvent de décrocher leurs meilleures ventes sur le réseau social professionnel par excellence ? Les lecteurs familiers de ce blog Sales and marketing insiders connaissent déjà tout de Jeffrey Gitomer et de son petit livre rouge de la vente (The Little Red Book of Selling) que nous avons déjà analysé ici. Pourtant, il existe un autre ouvrage du même auteur avec lequel il est encore plus important que le vendeur en B2B de 2021 se familiarise. Il s’agit d’un autre petit livre (The Little Black Book of Connections) que l’on pourrait traduire sommairement en français québécois par « le petit livre noir du réseautage ». Ce livre, qui n’a pourtant pas à première vue pour objectif de s’adresser aux vendeurs, est pourtant bel et bien un livre de vente. C’est même à mon avis le plus important de tous les livres de vente, justement parce que cela n’en est pas un. Il vous explique simplement comment nouer des réseaux, et c’est justement pour cela que je vous le recommande, voici mes explications.
Social Selling BtoB : le réseautage comme outil d’aide à la vente

J’ai découvert un ouvrage de Jeffrey Gitomer il y a 10 ans alors que je me rendais à une conférence à Exeter dans le sud-ouest de l’Angleterre. Un des sponsors de la conférence avait eu la gentillesse (nous sommes restés en contact d’ailleurs) d’offrir un livre à tous les intervenants de ce séminaire. Cet événement était dédié aux médias sociaux à une époque où on ne parlait pas encore de social selling.
Cet ouvrage portait le titre intrigant de « petit livre noir des connexions » même si aujourd’hui j’aurais plutôt tendance à traduire connexion par « réseautage » version québécoise du « networking » et avouons-le beaucoup plus élégante.

Ce petit livre n’était pas seulement étrange du fait de sa couleur. Certes, le noir n’est pas toujours associé à quelque chose de positif en France. Si, en Angleterre, un chat noir porte chance, il n’en est rien de ce côté-ci de la Manche. Mais ici, le petit livre noir en l’occurrence représente le calepin avec un élastique, popularisé à nouveau ces dernières années par Moleskine, dans lequel on gardait les notes de tous ses rendez-vous et surtout… les coordonnées de ses clients et de vos contacts.
En d’autres termes, les personnes qui sont dans votre « petit livre noir », sont celles qui font partie de votre réseau.
Toujours est-il, qu’au-delà de la couleur, ce qui m’a intrigué était le fait que ce petit livre ne se préoccupait pas de savoir quels outils utiliser. Il se focalisait sur la bonne attitude à adopter pour maximiser ses chances de réussite au travers de son réseau. Réflexion faite, Jeffrey Gitomer remontait bien à la source du problème, à l’essence même de ce qu’était le réseau, que l’on utilise ou non LinkedIn. Les techniques sont les mêmes et l’outil ne sert qu’à accélérer l’efficacité de la méthode, pour peu qu’on l’ait bien comprise.
La première leçon que j’ai retenue de ce livre est le fait que vendre en réseau n’est pas quelque chose véritablement de nouveau, ce livre ayant été écrit il y a assez longtemps, et totalement sans mention des réseaux sociaux.
Pourtant, il marque une étape indispensable dans la compréhension de la façon dont fonctionnent les réseaux sociaux et plus particulièrement le social selling. Plus largement, il démontre aussi la façon dont fonctionne la vente au travers de la capacité à bâtir un réseau, la possibilité de monter en valeur auprès de ce réseau, en sorte que, toujours selon le bon vieil adage de cet auteur, dont j’ai fait moi-même ma maxime, « Les gens n’aiment pas les vendeurs, mais ils adorent acheter ».

Le nombre de Dunbar et le réseau actif
En quelque sorte, votre petit livre noir est le reflet de la taille de votre réseau. C’est le réceptacle de toutes les adresses de ces personnes que vous pouvez appeler afin de leur demander un service. Pour appeler quelqu’un, vous mettre en connexion avec quelqu’un d’autre, lui demander un avis, un conseil, une aide, etc.
Ces personnes qui sont dans votre réseau ne sont pas extensibles. On ne peut pas gérer un réseau de 30 000 personnes (30 000 n’est pas un chiffre lancé au hasard, c’est la limite du nombre de personnes que vous pouvez avoir dans votre réseau LinkedIn). En fait, le nombre de personnes qu’un individu peut gérer dans son petit livre noir est très précis : il s’agit de 150 à 250 personnes. Pas plus.
Ce chiffre, je ne le sors pas d’un chapeau c’est ce qu’on appelle le nombre de Dunbar, du nom d’un anthropologue britannique qui a découvert une corrélation entre la taille du cerveau des primates et la moyenne d’un groupe social. Partant de ce calcul et en l’extrapolant au cerveau des humains il en a déduit que ces derniers étaient à l’aise avec 150 relations stables.
Mais attention, la plupart des gens — y compris les commerciaux — n’ont pas 150 noms dans leur réseau actif. Les personnes capables d’étendre ce réseau actif sont appelées les « connecteurs ». Il n’y a pas besoin d’être une vedette internationale pour être « connecteur ». Mon grand-père, pourtant simple gendarme, en était un. Quand je faisais le tour d’Amiens avec lui, il était impossible de boucler notre marche sans qu’on ait rencontré au moins 10 personnes à qui il serrait la main. Et il n’y avait pas de réseaux sociaux à l’époque.
Il est donc communément admis que ce nombre est situé entre 100 et 250 avec une valeur commune utilisée reconnue de 150. Il s’agit selon l’anthropologue du nombre de personnes que l’on connaît et avec lesquelles on garde contact. Cela n’inclut pas le nombre de personnes que l’on connaît personnellement, mais avec lesquels on a cessé toute relation.
En plaisantant, Dunbar explique qu’il s’agit « des personnes que vous pourriez accompagner à boire un verre après les avoir rencontrées par hasard dans un bar, sans y avoir été invité et sans que cela provoque une gêne sociale ».
À quoi servent les réseaux sociaux et notamment pour vendre en réseau
Dès le début des médias sociaux, et notamment de LinkedIn qui a été on l’oublie souvent un des pionniers des réseaux sociaux puisqu’il a été inventé en 2003 — c’est-à-dire avant Facebook et bien avant Twitter — s’est posé la question de savoir à quoi servent les médias sociaux.
S’agissait-il de constituer des réseaux avec les personnes qu’on connaissait auparavant (« Fan » ou personnes avec qui vous étiez auparavant en réseau — Formerly active network), des personnes avec lesquelles vous êtes déjà en relation (« Can » ou réseau des personnes avec lesquelles vous êtes encore en réseau — Currently active network), ou plutôt des personnes avec qui vous pourriez être en réseau (« Pan » ou réseau potentiel — Potentially active network) ?

La conclusion de Christian Mayaud, un des pionniers de l’utilisation de LinkedIn aux États-Unis, était claire. Le but d’un réseau social est de se connecter à des personnes que vous ne connaissez pas encore afin de développer ce que l’on appelle les « liens faibles » (en anglais « weak ties »). Et cela vaut aussi lorsque l’on désire vendre en réseau. Pourquoi cela ?
Tout bêtement parce que les liens faibles sont ceux qui vous apportent des opportunités.
Prenons un exemple tiré du livre de Gitomer : celui-ci descend d’un avion assez fatigué après un voyage épuisant. Il s’arrête au distributeur de monnaie pour retirer du liquide afin de prendre le taxi. C’est alors qu’il est abordé par une personne assez mal habillée qui lui demande un billet de 100 $ pour pouvoir rentrer chez lui, car on lui a volé son portefeuille. Là, notre homme se dit : « Encore quelqu’un qui veut me taper un peu d’argent ! ». Et, après avoir réfléchi quelques secondes, il finit par lui donner 100 $ en se disant qu’il ne les reverra plus jamais. Il lui tend néanmoins sa carte de visite, puis il rentre chez lui et finit par oublier tout ça. Un mois après, la personne en question le rappelle par téléphone : « Je vous dois les 100 $, et au passage j’ai regardé votre site Web et je pense que ce que vous faites m’intéresse grandement ». Gitomer, qui avait complètement oublié cette affaire, a bel et bien récupéré ses 100 $, mais surtout, il a obtenu un deal de 100 000 $ à la suite de cette rencontre. Pourtant, rien ne le prédisposait à faire une affaire dans ces conditions, et il avait plutôt l’impression qu’il avait déjà perdu 100 $ à la sortie de l’avion un mois auparavant.
On le voit, ces liens faibles sont ceux qui vous apportent des opportunités.
Du business d’abord, car combien de fois avons-nous fait des affaires avec des gens que nous rencontrions autour d’un verre ou en allant à une conférence, mais aussi des recommandations pour trouver un job par exemple.
Vendre en réseau : les liens faibles plus forts que les liens forts
Je me suis posé la question de savoir pourquoi ces liens faibles étaient plus forts que les liens forts comme ceux de la parenté par exemple. Car sauf exception, il est beaucoup plus difficile de trouver un job en en parlant à sa famille qu’en parlant à des inconnus. Il m’est en effet arrivé plein de fois de trouver des personnes que je connaissais à peine et qui pourtant m’avaient recommandé chaudement à quelqu’un. Pourquoi cela ?
J’ai posé l’hypothèse que ces liens faibles étaient en fait non contraignants. Si je recommande mon neveu, je suis responsable de cette recommandation. Si ce dernier se comporte mal, non seulement cela peut causer problème, il n’est pas rare qu’on m’appelle ensuite pour me demander de réparer ce problème, et en prime, cela peut se retourner contre moi, car s’il s’est mal comporté, c’est un peu de ma faute… Recommander quelqu’un par les liens faibles, c’est prendre beaucoup moins de risques. En cas de problème, on peut toujours se dégager en disant qu’on ne connaît pas très bien la personne.
Pourquoi cette logique est importante dans la vente au-delà des réseaux sociaux
Il en va de même pour le networking en général. Il faut donc pour un commercial être capable de développer un maximum de relations de valeur. Attention ! Je ne dis pas qu’il faut faire le stakhanoviste sur LinkedIn et inviter 350 000 personnes. Comme vous savez depuis tout à l’heure, de toute façon cet effort sera limité à 30 000. Et en ce moment, vous ne pourrez même plus inviter plus de 100 personnes à la fois par mois.
Tout cela n’est pas grave. On n’a pas besoin, souvenez-vous du nombre de Dunbar, de milliers de personnes dans son réseau actif. Mais ce qui est important est de garder à l’esprit qu’il faut ouvrir votre petit livre noir à de nouvelles personnes, car c’est cela qui créera les opportunités.
Une anecdote tirée d’un cours avec des commerciaux
Prenons un exemple tiré d’une de mes expériences récentes. Je donnais un cours à un groupe de commerciaux qui étaient « bloqués ». Impliqués dans la vente complexe autour de la transformation digitale, ils avaient pour mission de développer des contacts avec des personnalités de haut niveau, sur des sujets qu’ils ne connaissaient pas très bien. Très intimidés, et cherchant à se raccrocher à des choses simples, cela paraît compréhensible, ils finissaient par prospecter dans le dur sur LinkedIn à coups de Sales Navigator avec un résultat proche du zéro absolu.
Intrigué par cela je leur posais la question : « Que voulez-vous savoir dans cette formation » ?
Les premières réponses furent encore plus intrigantes. En voici quelques exemples.
- Comment établir un bon plan de communication corporate via LinkedIn (coordination entre collègues sales, marketing, page entreprise, etc.), quel contenu pousser, etc. ?)
- Comment gérer sa page et la limite pro/perso sur LinkedIn ?
- Comment et quand rebondir sur un refus de connexion ?
- Comment faire une liste de leads efficace et rapide dans Sales Explorer ?
- …
En d’autres termes plus prosaïques, cela revenait à demander comment faire pour se remonter le moral quand on s’est pris un « râteau » après avoir contacté un prospect frontalement sans sollicitation préalable (bref, en le spammant).
De plus en plus intrigué je les poussais dans leurs retranchements. « Revenons à la source du problème », leur disais-je, « et décrivez-moi — sans penser à LinkedIn — ce que vous cherchez à faire et qui ne marche pas ?! »
Les réponses à cette question furent encore plus édifiantes. En voici quelques-unes :
- Comment industrialiser ?
- J’envoie une salve de 100 emails et je n’ai pas de réponses
- Comment augmenter le nombre de réponses positives ?
- Problème de conquête et ouvertures de comptes
- …
Bref, un constat d’échec, en d’autres termes, plus prosaïques également, « l’équipe ayant perdu de vue l’objectif, elle redoubla d’efforts ».

Je décidais donc de leur faire passer l’autotest du réseautage de Gitomer (voir ci-dessus).
Les résultats furent désastreux. Aucun d’entre ne pouvait répondre à aucune de ces questions et tous se situaient dans les 30 à 39 points. Pour ceux qui se demanderaient ce que sont des « altoids », ce sont des pastilles rafraîchissantes destinées à vous donner meilleure haleine, ce qui sous-entend que le commercial ayant répondu au questionnaire n’est pas tellement désirable (il s’agit d’un humour un peu discutable je vous l’accorde…)
Dans tous les cas, ce petit test a été révélateur. Nos commerciaux débordés par leur fonction se déclaraient eux-mêmes incapables de résoudre le problème qui leur était posé.
Alors qu’ils étaient censés trouver de nouveaux prospects, la seule chose qu’ils savaient faire était de pousser leurs produits et leurs services (qui au passage étaient tellement complexes que cela ne servait strictement à rien).
Comme on leur avait donné un accès LinkedIn Sales Navigator, ils en ont profité pour casser les pieds aux prospects avec de plus en plus d’insistance (après tout, il suffisait de cliquer, c’est facile !). Ceci a bien entendu eu pour résultat d’arriver à zéro contact, zéro rendez-vous et enfin… zéro vente !
Peu de temps après, les commerciaux en question disparurent d’eux-mêmes, la plupart décidant avec sagesse d’aller voir ailleurs.
Cet exercice fut un peu douloureux.
D’une part je comprends la complexité de réaliser un travail de réseau, et surtout de lâcher la pression de la vente pour se concentrer sur quelque chose qui, apparemment, n’en est pas. Or, c’est ce travail de réseau qui est le véritable travail de vente. Notamment en ventes complexes.
C’est lui qui fait que vous allez devenir un commercial désirable.
Le livre de Jeffrey Gitomer regorge de petites astuces et de conseils. Si je me suis livré à ces explications périphériques, c’est pour mieux vous amener à lire ce livre qui me semble indispensable. Il ne s’agit pas d’un livre de chevet à la manière d’un roman qui se lirait de manière cursive. Il faut au contraire utiliser ce petit ouvrage en allant d’une page à une autre afin de picorer ses méthodes et ses astuces. Bonne lecture !