Le profil de client idéal (ICP ou ideal customer profile en anglais) est une terminologie issue de la méthode ABM (Account-Based Marketing). Pourtant, la recherche d’un ICP n’est pas réservée qu’aux adeptes de cette méthode. C’est même un passage obligé de la vente complexe, qui comble un vide souvent observé sur le terrain : l’absence de connaissance du marché et du cœur de cible de la clientèle. Ne sachant donc à qui vendre, l’équipe redouble d’efforts et vend à tout le monde donc… à personne. La recherche et la définition d’un ICP, un profil de client idéal, est donc indispensable, que l’on décide ou non d’appliquer la méthode ABM. Voyons ici pourquoi cet ICP est aussi important, comment le définir, et comment le dissocier du persona.
Pourquoi et comment définir son profil de client idéal (ICP – Ideal Customer Profile)

À l’origine de l’ICP : la méthode ABM
La première étape du marketing basé sur les comptes est l’identification.
Avec le marketing traditionnel basé sur les prospects, votre équipe marketing se concentrait sur l’alimentation d’autant de prospects que possible en haut de l’entonnoir.
Avec l’entonnoir du marketing basé sur les comptes, vous démarrez le processus de vente en vous concentrant sur un seul point de contact. Vous ciblez le prospect qui vous convient le mieux et créez un contact. Ce contact est potentiellement une bonne cible pour votre entreprise. Vous vérifiez cela en utilisant une série de critères.
Cet ensemble de critères est la définition de votre profil de client idéal. Une fois validé que ce contact correspond à votre profil de client idéal, vous entamez le processus de transformation du contact en compte ciblé.
Account-Based Marketing For Dummies® par Sangram Vajre
Que faut-il penser de l’ABM ?

Avant d’aller plus loin, désamorçons tout de suite une bombe à retardement que j’entends régulièrement sur le terrain. « L’ABM, ça ne marche pas », entends-je. Ou « l’ABM c’est trop compliqué… ». Il faut donc avant toute chose éclaircir quelques points.
Que ce soit en vente ou dans tout autre domaine du B2B, on observe le même phénomène :
Un groupe de professionnels est confronté à un problème, il cherche à le résoudre. Il se renseigne donc sur les méthodologies disponibles. Une méthode sort ainsi du lot, car elle est originale et apporte de la valeur.
Ces mêmes professionnels qui cherchent à résoudre leur problème sautent donc sur cette méthodologie pour essayer de tout résoudre. C’est le bon vieux syndrome de la recette. Nos apprentis cuisiniers cherchent donc à appliquer la recette et ratent le gâteau. Ils en concluent donc tout bonnement que la recette était mauvaise.
Que dire donc d’un mauvais pâtissier qui ne saurait pas lire la recette, ou serait incapable de l’appliquer, et surtout de l’adapter à une situation particulière ?
Il en va ainsi également de l’ABM ou Account-Based Marketing (qui est une méthode de vente et non une méthode de marketing).
- D’une part, cette méthode n’est pas applicable à tout le monde
Si vous ne vendez pas dans le haut de marché, passez votre chemin. Cette méthode est essentiellement valable dans le domaine de la vente complexe. Inutile d’y recourir pour vendre des stylos, ça ne marchera pas et ça ne sera jamais rentable ;
- D’autre part, la lecture de la méthode ABM laisse transparaître qu’il faut personnaliser ses contenus à l’extrême
On y recommande de produire des contenus pour des personnes et non pour des entreprises. Si cela est une recommandation intéressante d’un point de vue théorique, cela n’a aucune valeur dans la vraie vie, y compris dans les grandes entreprises.
J’ai ainsi entendu un responsable de vente d’un géant américain de l’informatique mondiale expliquer avoir mis en place la méthode ABM à ses débuts en créant autant de contenu qu’ils avaient de personnes à contacter. Inutile de dire que leur facture de contenus fut absolument monstrueuse.
Une telle démarche n’a strictement aucun sens sauf à disposer d’une usine interne à produire des contenus à la chaîne, et encore, le coût des salaires chargé est à prendre en compte ;
- Enfin, j’entends dire que l’ABM est une méthode uniquement destinée aux très grands comptes
C’est une réalité pour les cas où l’on voudrait appliquer la méthode à la lettre. Mais il est possible de l’adapter à de plus petites sociétés, et transformer la « recette » initiale pour l’adapter à ses moyens. Après tout, si nombre d’indépendants fonctionnent ainsi, c’est que cela doit être possible…
Pour finir avec cette introduction, l’ABM est une méthode tout à fait désirable à condition de vendre des services ou des produits complexes, de savoir raison garder et de l’adapter à la situation particulière qui vous concerne.
Et surtout de travailler dans une logique d’effectuation, c’est-à-dire de produire un minimum d’efforts pour un maximum de résultats.
Par ailleurs, il existe des concepts dans la méthode ABM, comme celui de l’ICP, ou profil du client idéal, qui sont universels et peuvent s’appliquer à la vente complexe sans avoir à appliquer obligatoirement la méthode ABM. Encore une fois, il s’agit de bon sens, et de réfléchir à qui on s’adresse.
Pour détailler l’importance du profit le client idéal, je me suis appuyé sur une présentation de Lincoln Murphy, fondateur de Sixteen Ventures, qu’on peut encore découvrir en ligne sur Slideshare.
Pourquoi un profil de client idéal (ICP) est important

Comme l’explique Lincoln Murphy, la plupart des commerciaux vont commencer par définir une tactique, mais c’est en fait une très mauvaise idée. Avant de déterminer une tactique de vente, il faut savoir à qui il est plus facile de vendre.
Pour déterminer cet ICP, il existe deux méthodes principales :
- La première, la pragmatique, qui consiste à aller sur le terrain, vendre — ou ne pas vendre — voir ce qui marche, et en déduire des règles pragmatiquement
Personnellement c’est celle que je préfère. Je pars toujours d’une hypothèse (il doit être plus facile de vendre à telle ou telle entreprise dans telle ou telle condition, car elle fait telle ou telle chose et a tel ou tel problème… [on reviendra sur les critères un peu plus tard].
Je vérifie si mon hypothèse est bonne. Et j’applique la bonne vieille méthode que j’ai apprise chez Capgemini : une vente c’est une vente, deux ventes c’est deux ventes, trois ventes c’est une offre.
À partir de la troisième vente, je suis déjà un peu capable de dire quels sont les critères des clients les plus favorables à l’achat d’un produit ou d’un service. Bien sûr tout cela s’affine au fur et à mesure ;
- Deuxième méthode, la théorique, qui consiste à étudier le marché à l’avance puis de cibler et d’y aller de manière plus industrielle ensuite
Pour cela, on utilisera les critères que je décris plus tard, que j’ai synthétisés en m’inspirant de la présentation de Murphy.
Cela paraît beaucoup plus logique que la première méthode. Pour ma part, celle-ci est plus difficile, car elle implique de passer beaucoup de temps à étudier le marché alors qu’un peu d’intuition et du terrain font l’affaire.
C’est plus rapide, et cela permet d’aller tout de suite à l’essentiel, à condition d’avoir un peu de méthode et de ne pas se laisser emporter à faire n’importe quoi.
Dans les deux cas, je me focalise sur la compréhension du marché pour savoir à qui je peux m’adresser le plus facilement et réussir le plus aisément possible
Le code NAF, le Chiffre d’affaires ou la localisation ne suffisent pas

Les méthodes traditionnelles de ciblage font toujours appel à des critères économiques. Le code NAF, le chiffre d’affaires, la localisation… mais ce ne sont pas toujours les critères les plus tangibles qui sont les plus importants.
Par exemple pour certaines offres que j’ai déjà vendues à maintes reprises, je me suis aperçu que j’arrivais à vendre exactement la même chose à des entreprises qui étaient extrêmement petites et à d’autres qui étaient extrêmement grosses.
C’est que dans les deux cas, ces deux types de clients complètement opposés avaient exactement la même problématique : par exemple une faible notoriété sur le Web, un site Web qui leur avait coûté cher, mais qui ne fonctionnait pas et que personne ne lisait, etc.
La taille de l’entreprise n’avait strictement aucune importance, à condition que le décideur soit prêt à investir la juste somme pour réparer son problème, et qu’il soit conscient de l’urgence de le faire.
Le secteur n’avait pas beaucoup d’importance non plus. C’est moi qui le déterminais, pas le client. Si je choisissais un secteur, c’était plus en fonction de mon réseau et de mes connaissances que du fait du client lui-même.
Prenons pour exemple des industriels qui accumulent les déchets organiques et qui éprouvent des difficultés pour les valoriser, pour prendre un exemple que j’ai déjà rencontré sur le terrain.
Dans ce cas précis, les clients potentiels étaient des industriels très variés : des fabricants de compotes petits et indépendants, tout comme de gros industriels de l’agroalimentaire par exemple.
La localisation géographique n’ayant pas non plus grande importance, puisque ces industries dépendent de la disponibilité de leurs matières premières. On en trouvait donc au nord comme au sud, à l’ouest comme à l’est.
Faire la distinction entre Profil de Client Idéal et Persona

Le Persona sera la plupart du temps une personne qui occupe un poste dans une entreprise [par exemple directeur marketing, le CDO, etc.]
Mais en fait, le critère principal n’est pas tellement la personne, mais plutôt l’entreprise qui l’emploie avec une problématique métier et business qui concerne l’ensemble de l’entreprise et pas seulement la personne en question.
Reprenons notre exemple des industriels de l’agroalimentaire cité ci-dessus.
À l’intérieur de ces entreprises, on trouvait plusieurs personae : la R&D était un d’entre eux. Mais le patron de l’entreprise, le directeur financier et le directeur marketing également.
Toutes ces personnes ayant des problématiques [pain points] différentes. Une tactique bien différente était nécessaire pour les approcher.
Il ne faut donc pas confondre l’ICP et le persona.
Dans un ICP, on trouve X personae, et il est rare en vente complexe qu’aller en voir un sur les 3 ou 4 suffise à emporter la vente
Il vous faudra soit les convaincre tous un par un, soit en trouver un qui soit votre champion interne.
Les étapes principales de la détermination d’un ICP

Maintenant quenous avons un peu mieux compris ce qu’est un ICP, comment arriver à le qualifier ?
La raison pour laquelle il faut déterminer un ICP est très simple : plus on détermine un client qui correspond à la cible, plus on prospecte facilement, plus on vend facilement.
Voici les critères qui sont proposés par Murphy. Les ICP se doivent :
- D’être mûrs
C’est-à-dire qu’ils sont conscients d’avoir un problème à résoudre, ou une affaire à saisir ;
- D’être conscient de l’urgence de l’action
Etre conscient du problème et de la nécessité de le résoudre c’est bien, mais il faut encore que cette conscience soit liée à une urgence. Plus l’opportunité ou le problème sont aigus, plus il y a aussi un sentiment d’urgence, plus vous êtes prêts d’une vente.
Bien souvent, il vous faudra travailler longtemps avant d’arriver au point où les personae de votre ICP seront arrivés à la conscience du problème ou de la solution.
Mais c’est une autre histoire. Mieux encore, un signal d’affaires important provoque cette urgence : fusions ou acquisitions, investissements, faillites, embauches/plans de licenciement… ;
- D’être capables de prendre la décision
Avoir mal et désirer aller mieux est une bonne chose, mais ce n’est pas suffisant. Il faut encore avoir les moyens, et notamment financiers, pour se payer la solution. Dans certains cas, la personne aura tellement mal qu’elle ira pleurer chez son patron pour aller chercher le budget nécessaire à l’acquisition de la solution salvatrice.
Nous avons déjà rencontré une personne qui a mis sa démission dans la balance si on ne lui donnait pas le budget pour obtenir la solution à son problème, dont pourtant elle était à peine consciente avant le rendez-vous commercial.

Ces trois critères sont importants, mais les 4 caractéristiques suivantes le sont encore plus :
- Offrir un potentiel de réussite: Le potentiel de réussite comporte six entrées différentes :
-
- Technique : est-ce que ma technologie correspond à leurs choix stratégiques ;
- Fonctionnelle : les fonctions minimum requises sont couvertes par la solution ;
- Ressources : les ressources internes sont présentes pour faire réussir la solution ;
- Compétences : le client dispose des compétences requises en interne pour faire fonctionner la solution ;
- Expérience : il faut être capable de faire face aux demandes en termes d’expérience client (ex : on ne peut pas offrir un support client 24/24 7/7) ;
- Culturelle : si le prospect ne correspond pas à vos valeurs. Par exemple, les clients des secteurs du tabac, de l’alcool, des stupéfiants, de l’armement, entre autres, ne feront jamais partie de mes ICP, car je refuserai toujours de travailler pour eux pour des raisons culturelles.
- Être faciles à acquérir
N’allez pas chercher des clients trop compliqués à obtenir. Ne commencez pas à courir les clients à l’autre bout du monde par exemple, si des ICP sont à votre porte. Ou des clients compliqués d’un point de vue culturel si des ICP plus proches de vous d’un point de vue linguistique par exemple sont disponibles.
En bref, il faut avoir les yeux rivés sur votre coût d’acquisition client. Si signer une ETI pour 1000 prend 3 mois et que pour vendre à un très grand groupe pour 10000 vous mettez 5 ans, arrêtez de rêver aux grands noms et mettez le critère ETI dans votre liste de caractéristiques ICP ;
- Offrir un potentiel de croissance
Un ICP offrira des perspectives de croissance en rachetant plusieurs fois ou de manière récurrente. On privilégiera un ICP qui vous achète une mission peut-être moins chère, mais plus récurrente et bien entendu rentable sur plusieurs années par exemple ;
- Offrir un potentiel de recommandation
Un grand nom est bien pour l’ego, mais vous recommandera-t-il à un de ses confrères ? Il y a des chances pour que cela soit plus systématique avec des entreprises plus modestes ou moyennes. Ne péchez pas par orgueil, les meilleurs clients ne sont pas tous dans le CAC 40, au contraire.

En conclusion, trouver votre ICP est une étape essentielle. N’oubliez pas que les ICP évoluent au fil du temps et de la transformation de votre offre. Ne vous endormez pas sur votre liste de prospects. Ne confondez pas non plus personae et ICP et soyez pragmatiques
Le coût d’acquisition client est un critère qui ne doit jamais quitter votre esprit. Même si cela vous fait plaisir de vendre à de grands noms, ne perdez pas de vue la rentabilité de vos clients, c’est cela qui fait qu’un client rentre véritablement dans le profil de client idéal.
La présentation de Lincoln Murphy est associée à un article de blog désormais inaccessible, mais dont vous pouvez quand même consulter une archive en cliquant sur ce lien.
Nous renvoyons également nos lecteurs sur cet article de notre blog : ICP – bien segmenter son marché B2B pour mieux vendre