Mettre la pression sur les commerciaux ? Cela peut paraître d’emblée une très mauvaise idée. Que n’obtient-on par la gentillesse en effet ? L’agressivité est sans doute mauvaise conseillère et une méthode qui peut sembler d’un autre temps. Que ne lira-t-on en effet dans la presse psychologique à succès, qui aille dans le sens de la bienveillance et du bien-être au travail. La mode est un dictateur, mais les faits sont hélas bien têtus. Je vous propose donc un nouvel épisode de mes textes sur la vente — notamment en cette sortie de crise tant attendue — qui pourrait bien vous faire changer d’avis, ou à défaut… un peu, grincer des dents. Alors, comme charité bien ordonnée commence par soi-même, je vais vous citer des anecdotes — qui me serviront de prétexte à ces 8 raisons — que j’ai vécues moi-même et qui, je l’espère, vous convaincront que mettre la pression sur vos commerciaux n’est pas forcément la mauvaise chose que vous croyez… si vous le faites avec bienveillance bien entendu et que vous situez votre action dans l’« étendue productive du stress ».
8 raisons pour mettre la pression sur vos commerciaux en sortie de crise (sans tuer la poule aux œufs d’or)
Mettre la pression sur les commerciaux ? Vous n’y pensez pas ? Et pourtant, si nous regardions la pression commerciale différemment, et avec un peu de rationalité ?
Il est certain que ce titre pourrait prêter à confusion dans un monde où la moindre idée de harcèlement peut mener, et souvent à juste raison, à un procès. Mais le harcèlement, qu’on le veuille ou non, ne commence-t-il pas à partir du moment où on vous demande de faire quelque chose qui ne vous est pas naturel. On vous fait alors, rassurez-vous, tout le monde passe par là au moins une fois, sortir de votre zone de confort pour rentrer dans la zone rouge.
Une fois déstabilisé, on n’est plus vraiment soi-même et il est tentant alors de prendre une injonction pour du harcèlement. Cela m’est arrivé, et je reconnais après coup que je n’avais pas raison.
Toutefois, sans aller au-delà de la limite prescrite, sans user de violence, sans manipuler et encore moins rabaisser qui que ce soit, il est possible d’utiliser la pression commerciale comme un outil efficace.
Cela demande un peu de tact, mais il y a des raisons aussi assez rationnelles pour lesquelles un minimum de pression est nécessaire pour obtenir un resultat de la part des commerciaux, qu’on le veuille ou non.
Je n’aime pas, vous n’aimez pas, ils n’aiment pas la pression
La simple évocation de ces sales managers à la Alec Baldwin (le 1er prix, une Cadillac, le 2e prix un ensemble de couteaux pour les steaks, le 3e prix = « vous êtes viré ! ») ne donne pas envie de se lever le matin.
Et pourtant, j’ai eu affaire à un directeur des ventes dont je me souviens encore, qui m’a tout appris et qui tout en étant très gentil et compréhensif, n’en était pas moins dur.
J’ai eu en effet moi-même à souffrir de la pression commerciale au début de ma carrière, et je dois avouer que comme tout le monde, sauf quelques masochistes, je n’aime pas beaucoup ça.
Pourtant, de nombreuses années plus tard, je le remercie lui et mes collègues qui m’ont remis dans le droit chemin en m’apprenant des comportements ou des approches qui n’étaient pas forcément naturels pour moi et qui me servent tous les jours dans la partie commerciale de mon métier (certainement la plus importante, quiconque a été entrepreneur sait l’importance et l’omniprésence de la vente).
Un apprentissage par la pression commerciale que je regarde avec bienveillance
Ainsi, au fil de mon apprentissage, j’ai appris un certain nombre de choses sous la contrainte, ce qui ne m’a pas forcément fait beaucoup plaisir au début et pourtant, je peux tous vous les citer comme si cela s’était passé hier, tellement ces conseils m’ont rendu service et m’ont appris le métier.
Laissez-moi vous citer quelques exemples et vous démontrer ce que j’ai appris sous la pression commerciale :
« Closer » à tout prix et remettre le compteur à zéro : j’ai appris dans une dure école de hard-selling. Je ne suis pas un fanatique de ce mode de vente, c’est le moins qu’on puisse dire, mais il m’a appris la résilience. Le compteur de nos ventes se remettait à jour le dernier vendredi de chaque mois. Et ce jour-là nous réalisions en moyenne 80 % de notre chiffre d’affaires du mois ! Inutile de dire que la pression était au maximum. Ce que j’en ai appris est essentiel : « closer », « closer » et encore « closer ». Certes, ce n’est pas toujours facile, mais nécessité fait loi. Or, sans cette nécessité ni cette pression, jamais je n’aurais réussi à faire les ventes que je devais faire. Et encore moins à les dépasser. C’est la pression de la date-butoir (en bon français de la deadline), qui a permis de m’améliorer ;
« Vous avez les mains moites ! » : je suis assez timide et je l’étais encore plus au moment de mon démarrage, c’est compréhensible. Un de mes problèmes majeurs, quand je rencontrais un client, était d’avoir les moins moites au moment de la poignée de main. Certes, quand mon directeur commercial me l’a fait remarquer, je n’ai pas tellement apprécié. Mais quand il m’a donné un tuyau qui consistait à essuyer sa main sur son pantalon juste avant de serrer la main des clients, pour rendre la poignée de main plus ferme et convaincante, je l’ai remercié. Car ce tuyau m’a non seulement permis de surmonter ma timidité au moment du rendez-vous, mais aussi de la faire diminuer au fur et à mesure du temps. Un tuyau que j’utilise plus rarement aujourd’hui, notamment avec le COVID qui nous a appris à ne plus serrer les mains ;
Arriver à l’heure : au départ de ma carrière, j’étais comme tous les jeunes, j’avais une notion de l’horaire un peu élastique. Pourtant je n’étais pas un fainéant, mais soit on m’avait mal briefé, soit je n’avais pas bien compris la vie. C’est là que j’ai appris aussi que si j’habitais à trois heures du client le plus proche, il était de mon ressort de me lever trois heures avant le rendez-vous pour être sûr de l’honorer. Un jour où j’arrivais justement en retard chez un client, mon patron, après m’avoir quand même offert une pizza, me fit la leçon. Alors que je lui disais que j’avais failli avoir un accident (ce qui était tout à fait vrai, j’aurais même pu me tuer, car étant en retard j’avais roulé trop vite), il me dit : « Tout cela c’est de la littérature ! Il faut arriver à l’heure débrouillez-vous ! » Depuis ces années, j’ai appris à me lever tôt, à commencer très tôt ma journée et à être toujours à l’heure. Je suis même devenu le lève-tôt de service, car je me suis aperçu que je suis plus en forme quand je dors moins. Certes, j’ai appris les dures lois de la vie d’une manière pas forcément agréable, mais tous les jours je remercie Denis (c’était son nom) de m’avoir appris les bonnes manières et le sérieux professionnel ;
Conseiller le client de manière volontariste : j’ai appris également à conseiller les clients de manière plus volontariste. On m’a même largement incité à « éduquer mon client ». Et vous allez rire, ce sont même les clients qui réclamaient cela. Car, j’ai appris une chose aussi dans ces premières années, c’est que les clients n’étaient pas seulement à la recherche d’un service poli, aimable et empressé, ils étaient surtout en attente de conseils et aussi de limites à ne pas dépasser. Ainsi des clients qui voyaient que j’étais trop gentil avec eux n’hésitaient pas à appeler mon patron pour lui dire de me demander d’être un peu plus rentre-dedans. C’est un comble, mais c’est ainsi que j’ai compris que la fermeté (toujours avec gentillesse cependant) est un atout dans le commerce et non une faiblesse ;
Booster le CA : une des choses que je détestais le plus était les objectifs commerciaux. Les mesures étaient drastiques : R/R (réalisé sur réalisé de l’année d’avant) et R/P (réalisé sur prévision, ces dernières étant calculées sur les potentiels des clients et non sur vos propres capacités à les réaliser). Des mesures impitoyables sur lesquels nous étions immanquablement mesurés en fin de mois comme indiqué ci-dessus. Mais sans ces mesures et sans ces chiffres, aurais-je réussi à faire mes chiffres d’affaires ? Bien entendu que non ! Aujourd’hui, alors même que je suis à mon compte je n’hésite pas à me mettre moi-même des objectifs que j’essaie de dépasser. L’objectif n’est pas de tomber malade bien entendu, mais sans ces chiffres, comment être capable de voir si on performe ou non ? Et surtout, sans mesure et sans contrôle, c’est la porte ouverte à la complaisance, premier ennemi du commercial ;
Vendre plus ne veut pas forcément dire rendre le client malheureux : j’étais très mal formé à l’école de commerce et incroyablement mal préparé à ce monde de ventes qui est pourtant le premier métier que vous devrez aussi exercer (que vous soyez en interne ou en externe tout le monde est vendeur). Tellement mal formé que je pensais que forcer la vente sur un client était forcément mauvais. J’ai découvert l’inverse. Nous avions un client dans une petite ville de province qui avait un magasin traditionnel, tellement bon et réputé qu’il arrivait à concurrencer l’hypermarché d’à côté. Un jour, mon ami Michel m’a aidé à lui vendre un wagon complet de machines à laver. Bien entendu que ce client n’en avait absolument pas besoin. Pendant six mois, on a vu les machines dépasser de sa petite cour de cette ville de Picardie. Pourtant, loin de lui forcer la main et de le rendre malheureux, nous venions au contraire, grâce à l’astuce de Michel, de le rendre heureux, car nous l’avions traité comme un grand client. Pour cela il nous en fut reconnaissant pour toujours. Sans la pression, je me serais certainement contenté de lui vendre une dizaine de machines tous les mois, en bon commercial pépère. Je n’aurais pas fait mon chiffre, et mon client aurait été aussi très malheureux. Sans compter que grâce à cette pression commerciale, lui aussi a sur-performé car il a dû faire des efforts supplémentaires pour vendre plus (avec une meilleure marge, qui plus est) ;
Se motiver pour sortir du bureau : on pourrait croire que la propension des commerciaux à rester assis au bureau est quelque chose de nouveau. Mais je l’ai rencontrée également à mes débuts. Il n’y avait pas que moi d’ailleurs. Denis, toujours lui, faisait le tour des bureaux le lundi midi juste avant le repas en donnant des coups de pied dans les bureaux pour nous faire dégager et aller sur le terrain. « Allez, allez ! Dehors sur le terrain, c’est pas au bureau qu’on fait les ventes ! » Bien entendu, Le COVID — et l’arrivée d’Internet bien avant pour ma part — a changé les choses. C’est au bureau qu’on fait la plupart des ventes ! Mais la logique est la même : il faut se forcer à prospecter encore et encore. C’est une obligation, et même quand on n’en a pas envie, il faut se forcer à aller voir de nouveaux clients, même si ce n’est que par Zoom. C’est une hygiène de la vente. Une hygiène que je m’applique régulièrement. Je vais même vous avouer que tant d’années après, la prospection est devenue mon exercice favori. Si j’avais le choix, peut-être même que je m’offrirais le luxe de ne faire que cela. Que de chemin parcouru depuis ce temps ! Et cela, sans la pression commerciale, sans l’insistance de Denis, je ne l’aurais jamais compris ;
Faire un nombre de prospects par jour : un autre point souvent controversé est celui du nombre de prospects à visiter par jour. Denis, qui avait bien compris que prospecter était un peu douloureux pour moi, m’avait imposé un nombre théorique de visites réalisées par jour. Bien sûr, comme tous les jeunes, j’ai pensé qu’il délirait, que cela ne sert à rien d’aller visiter plein de gens au hasard. Pour remplir mon quota de 10 visites par jour sur mon territoire très étendu (350 km de long) il me fallait immanquablement passer voir des gens de manière inopinée, et sans garantie que j’aille bien au-delà de « bonjour Madame, bonjour Monsieur ». Et pourtant, grâce à cela j’ai réussi, au bout de trois ou quatre visites inopinées rendues à un grossiste perdu au milieu du nord de la France, et que tout le monde avait oublié depuis 10 ans, à faire une vente et un nouveau client qui nous a passé immédiatement une commande conséquente. J’ai eu d’ailleurs le plaisir d’ouvrir ce client avec Denis lui-même. Le travail avait payé. Quel plaisir également de voir que toutes ces visites que je réalisais journellement sur le terrain (des fois seulement 5, mais souvent 12 ou 13 que je consignais dans un carnet) n’étaient pas des moments perdus ! Même une minute passée devant un client permettait d’apprendre quelque chose, de revenir une autre fois pour lui vendre ce qui pouvait lui être vendu. Ma vision sur ce nombre théorique de visites réalisées, et sur ce petit carnet destiné à vérifier si je faisais mon boulot, sans compter que mes notes de frais n’étaient pas payées sans lui, n’est pas blanche ou noire. Sans doute que pour les commerciaux naturellement versés dans la prospection (et comme je l’expliquais je le suis devenu aujourd’hui je n’en ai plus besoin) cela n’a aucun intérêt. Mais pour les autres…
Voici donc mes 8 raisons qui justifient de mettre la pression sur vos commerciaux. Mais attention ! Restez humains et n’allez pas trop loin (vous allez comprendre pourquoi dans un instant).
Mettre la pression sur les commerciaux peut être production … à condition de rester dans une certaine limite
Attention ! Restez humains, situez-vous dans l’« étendue productive du stress » et n’allez pas trop loin !
Je pourrais continuer ainsi en citant d’autres exemples et anecdotes pendant des heures, mais je ne suis pas sûr que ce blog arrive à tout digérer. Il faut donc que je m’arrête ici.
Ce que j’exprime au travers de ces anecdotes de façon intuitive, à savoir que la contrainte, la pression commerciale, est un atout dans l’apprentissage du commercial dans sa pratique et sa performance, cette intuition donc est-elle soutenue par les discours académiques ?
Pour m’aider à étudier cela, j’ai découvert un article de la Digital HR qui décrit pourquoi la pression sur les employés n’est pas forcément négative. Voyons les quelques points remarqués par Bernie Bulkin dans son billet.
Pression sur les commerciaux : obtenir un résultat au-delà de ce qu’ils pensaient possible
L’auteur commence par y décrire les deux façons dont s’exprime la pression sur les employés, je cite :
« Les employés sont poussés à s’engager à obtenir un résultat au-delà de ce qu’ils croient possible ;
Une fois cet engagement pris, le responsable indique clairement qu’un échec provoquera une déception qu’il ou elle prendra très à cœur ».
Et de continuer :
« Nous réalisons parfois de grandes choses sous la pression exercée par un responsable, car sous l’effet du stress, nous augmentons l’intensité avec laquelle nous faisons notre travail ».
Toutefois, Bulkin nous enjoint de mettre en place des contrôles importants : pour l’entreprise d’abord, car trop de pression peut amener certains à des malversations, mais aussi et surtout : « la santé physique et mentale des membres de l’équipe. Vous êtes sans doute attentif à ce point, mais quand l’équipe est sous pression, qu’elle a peut-être du mal à atteindre ses objectifs, il faut être particulièrement attentif aux absences inexpliquées, aux colères, aux membres de l’équipe qui s’isolent du reste de leurs collègues […] » Bref à tous ces signes qui « […] indique [nt] qu’une personne n’est pas en mesure de faire face physiquement ou mentalement ».
Ceci étant établi, reposons donc la question : pourquoi la pression sur les commerciaux est-elle bonne ?
L’experte canadienneLiane Davey dans la Harvard Business Review explique comment mettre juste le bon niveau de stress sur ses employés. Comme elle l’indique elle-même, ceci va à l’encontre de ce qu’on lit communément dans la presse à succès.
Pour elle aussi, il existe un bon niveau de stress, un niveau qu’elle qualifie même « d’idéal » :
« Quelque part entre ces deux extrêmes [le moment où par absence de stress on n’innove plus, car on s’immerge dans le train-train, et l’autre extrême, celui où la pression est telle qu’elle finit par être contre-productive] se trouve le niveau de stress idéal, celui qui crée une pression positive dans le sens du changement sans provoquer d’inquiétude démoralisante. Cette zone magique est ce que John Kotter appelle l’“étendue productive du stress ».
« Si vous essayez de stimuler un changement profond au sein d’une organisation, vous devez contrôler la température. Il y a vraiment deux tâches à accomplir ici. La première consiste à faire monter suffisamment la température pour que les gens s’intéressent au sujet, prêtent attention et s’occupent des menaces et des défis réels auxquels ils sont confrontés. Sans stress, les gens sont moins stimulés à tolérer des changements difficiles. La seconde consiste à faire baisser la température lorsque cela est nécessaire pour réduire un niveau de tension contre-productif ».
Un concept assez direct et qui pourrait en choquer plus d’un de ce côté de l’Atlantique, et c’est pour cela que j’ai commencé par vous partager ma propre expérience vue de l’intérieur.
Et encore un joli débat en perspective dans LinkedIn. Je vous ai donné mon point de vue en toute franchise, j’espère que celui-ci vous sera utile et vous permettra de répondre à la question posée en exergue de ce billet : “Faut-il mettre la pression sur vos commerciaux à l’occasion de la reprise ?”
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