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Voilà des années que l’on nous répète qu’il n’y a pas assez de commerciaux en France qu’on cherche à en recruter des nombres faramineux. Et cette situation n’a pas trop changé au fil des années. Pourtant, en 2022, près de 40 ans après les fameuses écoles Tapie, de nouvelles institutions de formations se créent dans notre pays avec des coachs de vente de tous les âges et qui se donnent pour mission de faire aimer le commerce aux jeunes Français. Sales & Marketing Insiders ne pouvait que leur donner la parole et pour cela, j’ai invité Philippe Gillotin, Sales Coach chez Iconoclass pour tout nous expliquer.
Enjeux pour la formation des commerciaux de demain

Une pénurie — récurrente — de commerciaux
200 000 postes de commerciaux à pourvoir dans la vente en France
Il y a déjà 30 ans, on entendait ce type de chiffres. Il semblerait que plus ça change, plus c’est la même chose. Les chiffres sont même désespérément les mêmes. Sur RTL en 2016, la chaîne de radio blâmant le manque d’écoles formant à ces métiers, parlait déjà de ces 200 000 postes à pourvoir . Sur emarketing.fr en février 2022 : même constat, même chiffre, même diagnostic.
Le nombre d’annonces publiées par les recruteurs pour des profils commerciaux a connu une hausse de 43 % en 2021. Le cabinet de recrutement Michael Page estime le décalage à 200 000 postes à pourvoir, contre 710 000 pourvus à travers la France
emarketing.fr
Avec une information intéressante relevée par le cabinet de recrutement, « le manque serait dû à la fois à l’accroissement des besoins et à un appauvrissement des profils ». Il y a donc du pain sur la planche pour les instituts de formation spécialisés.
Et cela tombe à pic, car une nouvelle génération d’écoles de vente tente de relever le défi. Philippe Gillotin, Sales Coach chez Iconoclass, observe même des signes encourageants sur le terrain : « Il y a une pénurie de commerciaux, mais le plus incroyable, souligne Philippe, c’est qu’on ne manque pas de candidats ! m’a-t-il confié.

Il y a donc des signes encourageants et il faut arrêter de dire que le métier de commercial n’attire pas, même s’il existe des points de vigilance.
Des demandes, mais des profils pas toujours à la hauteur
« Les entreprises ont des attentes particulières : la concurrence s’intensifie, des milliers d’entreprises et de startups naissent tous les jours », ajoute Philippe.
Or, si les « offres et les candidats sont bien présents, la qualité du profil n’est pas toujours au rendez-vous. Il y a donc nécessité de former ces nouveaux profils.
Les recruteurs en recherche de commerciaux relèvent que les candidats manquent un peu de « niaque ». Ils n’ont pas envie de prendre le téléphone, d’aller au contact. Ils ont peur de la prospection
Une antienne que nos lecteurs ne connaissent hélas ! que trop bien. Rappelons-nous notamment l’interview de Tony Hughes avec sa charge contre les commerciaux qui « échouent régulièrement dans l’atteinte de leurs objectifs commerciaux » par manque de prospection, pour laquelle l’expert australien estime qu’ils ne dédient que 30 % de leur temps.
L’élitisme des écoles de commerce
Il faut donc former, mais pas n’importe comment. Et surtout, il va falloir mettre fin à l’élitisme qui règne en France, nous explique Philippe.
En France, il y a un élitisme de l’école de commerce où on paie une fortune un diplôme pour être très bon dans la théorie, mais dans la pratique il y a des choses qu’on ne sait pas faire, ou qu’on ne veut pas faire
La dernière moitié de la phrase me semble importante. Combien de jeunes tournent leur nez dès qu’on évoque le métier de vendeur ? Les nombreux euphémismes destinés à cacher le « vilain » mot de vendeur ne se comptent plus (Ingénieur d’affaires, business developer, BDR, SDR, sans parler des “sales”… tous les moyens sont bons pour éviter d’appeler un chat un chat).
Mais essayez de fonder une société sans vendre, le résultat ne sera pas beau.
Il faut donc sortir de cet élitisme qui touche au snobisme et revenir aux fondamentaux :
Un commercial doit savoir maîtriser tous les outils de la vente, et la prospection en fait partie
Notre analyse de l’étude d’insertion des jeunes diplômés réalisée par la Confédération des Grandes Écoles (CGE) en 2022 montre néanmoins que la filière commerciale est dans le peloton de tête, devant le marketing.
Sans doute que cela est le résultat de la pression du marché, qui offre plus de postes dans le commercial que dans les métiers des sièges.

La prospection, sa difficulté et ses « râteaux »
Si les élèves des grandes écoles sont si peu nombreux à se destiner à des professions commerciales, c’est aussi que la vente en B2B est un métier difficile, ne nous le cachons pas.
Mais c’est aussi que beaucoup de clichés tournent autour du métier de commercial
Voici les réflexions que Philippe entend de la part de commerciaux sur le terrain, elles sont évocatrices :
- « Je ne suis pas là pour passer des coups de fil, il existe des centres de téléprospection pour ça, je peux sous-traiter » ;
- « Je ne sais pas faire, on ne m’a pas appris, on ne m’a pas montré » ;
- « C’est trop technique, c’est trop complexe » ;
- « Chasser des leads, créer sa base de données, prospecter via certains outils en ligne, c’est le travail de l’équipe marketing, les commerciaux doivent ensuite récupérer les leads et vendre » ;
- …
Les réticences à prospecter sont donc un mélange de « Je ne sais pas faire, je ne veux pas faire et je n’ai pas à le faire »
Mais ce n’est pas tout, beaucoup de jeunes recrues ignorent tout du métier de commercial.
Disrupter la vente et en finir avec Jean-Claude Convenant
Là où un effort est à fournir, c’est aussi sur le métier de commercial lui-même, un métier à la peau duquel collent encore de nombreux clichés.
- Citons en premier « le cliché du commercial qui doit juste vendre son catalogue produit », explique Philippe. « On est encore obligé aujourd’hui de défendre son métier en disant “non, je ne fais pas que ça, j’apporte une vraie valeur ajoutée aux gens et je ne fais pas que montrer un catalogue produit”, constate Philippe ;
- Comme nous l’avons souvent expliqué sur Sales & Marketing Insiders, « le commercial vient répondre à des besoins, à des “douleurs” qui ont des impacts forts et des répercussions dans tous les services de l’entreprise » explique Philippe ;
- Et il y a la bonne vieille image du commercial requin, le Jean-Claude Convenant de service, celui qui met le pied dans la porte : « Dans l’esprit commun, commercial égal requin, qui va nous vendre quelque chose dont nous n’avons pas besoin ». Il y a une « méconnaissance de la valeur ajoutée que pourrait apporter le commercial, de ce qu’il peut y gagner aussi en termes de rencontres, de réseau, de tout ce qu’il y a autour du métier de la vente ».
La vente en B2B est un Art
« L’objectif d’Iconoclass est de casser les codes, de disrupter la vente, d’en finir avec ce cliché du commercial “beauf et requin”. La vente B2B est un Art, qui nécessite plusieurs qualités, des connaissances, mais aussi des qualités personnelles, des “soft skills” (compétences non techniques) très particulières. »
Casser les codes de l’élitisme académique
« Iconoclass casse les codes de l’élitisme académique, en partant du principe que, quels que soient l’origine sociale, l’expérience professionnelle, l’âge, on peut devenir commercial si on a l’envie et la volonté d’apprendre », explique Philippe.
La formation repose sur 20 % de théorie, et 80 % de pratique. Des entreprises, partenaires ou non, viennent chez Iconoclass avec des fichiers de prospects, et les « iconers » les appellent et traitent des objections.
Les apprenants pratiquent, se « prennent des portes », et les coachs débriefent avec eux
Iconoclass a également développé un programme de développement personnel en parallèle du programme de vente. « Il est important de trouver son équilibre en tant que commercial. Ce n’est pas un métier simple, il faut avoir confiance en soi, être dans une forme d’équilibre pro et perso ».
Les retours sont positifs, avec un taux d’embauche et de placement à la sortie de la formation de 98 % après six mois.
Des Sales Coachs au profil différent
Les coachs ont des profils totalement différents, mais sont tous unis par la même passion qui est l’envie de transmettre leurs savoirs liés à la vente B2B. Ils ont tous minimum dix à douze ans d’expérience.
La formation confronte ses « iconers » à la réalité du métier de commercial. Ils vont devoir être tous les jours au travail, que ce soit en télétravail ou au bureau, au minimum de 9 h à 18 h.
Les apprenants peuvent opter entre le tout présentiel ou le tout distanciel
78 % des jeunes ne sont pas admis
« La prochaine promo qui démarre le 19 septembre rassemble 120 iconers », explique Philipe. 22 % des candidats qui se présentent sont acceptés dans la promotion. Chaque coach accompagne un maximum de 30 apprenants.
Pour être retenu, il faut être capable de montrer des « motivations profondes à devenir commercial » ajoute Philippe. Un précepte assez évident et pourtant, beaucoup trop de candidats postulent pour les mauvaises raisons, explique Philippe.
« Ils veulent juste gagner de l’argent, par exemple », nous dit-il, « ce qui n’est pas suffisant ». Certes, c’est un argument, mais ce n’est pas censé être la seule source de motivation ».
Beaucoup se présentent aussi ne sachant pas vraiment quoi faire d’autre. Iconoclass ne retient que les personnes motivées, engagées, qui ont déjà fait des recherches préalables sur le métier, ou qui ont déjà une idée de ce qu’elles veulent faire.
Les candidats futurs savent ainsi ce qu’il leur reste à faire.
Iconoclass bientôt Londres
Alors qu’Iconoclass s’apprête à traverser la Manche, quel est le constat que Philippe fait sur les commerciaux de Sa Majesté ?
« Le constat est sensiblement le même qu’en France », m’a-t-il expliqué. « Les britanniques ont sensiblement les mêmes besoins, les mêmes raisons, les mêmes problématiques liées à la perception du métier, de ses habitudes et à ce manque de technicité également dans la formation ».
Au Royaume-Uni également, « il y a des écoles de commerce extrêmement élitistes qui ne forment qu’à la théorie » poursuit Philippe Gillotin. « Les commerciaux dans les entreprises au Royaume-Uni ne sont pas aussi performants que ce qu’ils devraient être ».
« Iconoclass démarrera à Londres avec 12 à 15 apprenants, et recréera la même histoire qu’en France, où elle a commencé il y a 3 ans avec une promo de dix personnes ».
L’école envisage dans les 5 ans à venir d’ouvrir également à New York.
Son rêve est que les commerciaux formés hier deviennent les formateurs de demain. Ce rêve prend déjà forme puisque certains « iconers » de la première promo sont déjà managers des « iconers » dernières promos.