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Quand on parle à des commerciaux de leur CRM, beaucoup trop sortent encore leur revolver. Et pourtant d’après les études de Forrester, ‘quand toutes les équipes d’une entreprise utilisent un système CRM partagé, la probabilité qu’elles offrent une CX exceptionnelle à leurs clients est de 14 % plus élevée” (Forrester, mai 2021). Pour creuser ce sujet, j’ai interviewé Sunny Paris, fondateur de No CRM. Ensemble nous avons évoqué la possibilité qu’un outil de CRM avancé puisse renforcer le rapprochement vente et marketing. Voici un résumé de mon entretien avec lui. Vous retrouverez l’intégralité de notre discussion dans le podcast associé à ce billet, sur la chaîne de Podcasts de Sales & Marketing Insiders.

Comment un outil de CRM peut-il aider au rapprochement vente et marketing ?

Le CRM peut aider à rapprocher vente et marketing, mais cela ne se fait pas n’importe comment

Perception du CRM par les commerciaux

“Le CRM est bien souvent encore vu comme une contrainte”, constate Sunny. “Orienté vers la gestion de la donnée client, vers le reporting commercial, il est davantage vu par le commercial comme quelque chose qui va être utile aux autres plutôt qu’à lui”.

Le commercial a encore cette impression d’être ralenti par le CRM, de perdre du temps à le renseigner, comme si cet outil n’était pas son allié dans son travail quotidien. Dans tout cela il y a, comme souvent, un mélange de mauvaise foi et de véritables raisons de fond. Focalisons-nous sur ces dernières.

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Source Forrester – 2021

“Plus les équipes sont cloisonnées, plus c’est difficile” explique Sunny Paris”, plus il y a des gens à la frontière entre les équipes, mieux se passera le processus, car on aura davantage une compréhension des besoins de tous les utilisateurs de l’outil pour en faire une bonne solution”.

Il faut des gens à la frontière des équipes qui vont utiliser le CRM

Cela me paraît en effet une des conditions sine qua non. Dès la naissance du projet, l’entreprise doit impliquer toutes les parties prenantes, et au premier chef les commerciaux. Ceci ne veut pas dire que vous les satisferez sur tous les points, mais que vous aurez au minimum écouté leurs attentes pour éviter les insatisfactions les plus criantes vis-à-vis du CRM.

Or, souvent, on omet cette phase pourtant cruciale de la conception du CRM. Cela est résumé très efficacement par Sunny :

Les commerciaux ne sont pas très familiers avec la technologie, donc ce n’est pas nécessairement eux que l’on consulte au moment de la mise en place d’une solution

Quelle erreur ! Si vous me permettez de rajouter un commentaire. En ce sens, je dois avouer halluciner quand j’entends encore cela en 2022, quelque 30 ans après l’introduction des premiers systèmes qu’on n’appelait pas encore CRM à l’époque, mais Sales Force Automation (finalement, peut-être pas un si mauvais vocable que cela).

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Sunny Paris, fondateur de NOCRM

À l’inverse des commerciaux poursuit Sunny, “Le marketing, le management, l’administratif, le suivi des ventes auront des requêtes assez spécifiques. La mise en place se fait donc un peu sur le dos du commercial, et on arrive à un outil qui n’est pas pensé pour lui, alors qu’il doit l’utiliser tous les jours”.

Voilà un premier conseil à prendre en compte : non seulement il ne faut pas négliger les commerciaux dans ce processus de conception et paramétrage de l’outil, mais il faut même commencer par eux.

Le CRM, un outil pour le marketing ou la vente ?

Cette réflexion liminaire en appelait une autre : Le CRM est-il fait pour les populations marketing, vente ou les deux ? La réponse n’est pas forcément la même selon la taille de l’entreprise m’a expliqué Sunny Paris, car en fonction de cela, l’utilité de l’outil de CRM sera perçue de manière différente.

Une TPE ou une PME ne sont pas obligées d’utiliser un CRM, mais plutôt des outils spécialisés qui vont se connecter ensemble : des outils spéciaux pour le marketing, pour la gestion des bases de données, pour la gestion des emailings, etc.

Dans ces PME et très petites entreprises, “Quand un lead est identifié, le marketing viendra le déposer dans l’outil dédié au commercial, avec les bonnes informations”.

Dans ces petites sociétés, la question du “marketing” ne se pose pas forcément dans les mêmes termes que dans une multinationale où le slack organisationnel sera, par nature, bien plus important. Dans les petites structures, non seulement la vente est essentielle, mais le marketing y est réduit à sa plus simple expression et est naturellement proche de la vente (apporter des leads, soutenir les commerciaux ou les consultants… c’est comme cela chez certains de nos petits clients, et c’est très bien ainsi).

Dans ces petites entités, il faut donc se focaliser sur le service que le CRM peut rendre au commercial, ce que Sunny résume ainsi :

Pour que le CRM soit utile aux commerciaux et qu’ils jouent le jeu, ils doivent avoir envie d’utiliser l’outil, tout simplement parce que c’est plus facile de travailler avec que sans

Dans les plus grosses entreprises, la situation est très différente, et la question se pose réellement de l’usage du marketing et de la vente en complémentarité. “Il y a un vrai besoin” dans ces sociétés confirme Sunny, “car le marketing intervient à la fois en génération de leads, en communication, en prévisionnel. Il est donc indispensable d’utiliser des outils plus complets et de plus grosses solutions comme Salesforce par exemple”.

Mais pour arriver à une complémentarité, dans ces grandes organisations, il convient de s’équiper à un autre niveau :

Cela nécessite d’avoir des équipes pour adapter l’outil. Ces équipes doivent jouer le jeu pour bien comprendre comment le faire fonctionner pour les deux populations.

“Les coûts de mise en place ne sont pas du tout les mêmes entre les PME/TPE citées plus haut, et la réussite des grands projets n’est pas nécessairement garantie”, nous explique Sunny. Les enjeux ne sont pas les mêmes non plus.

Pour telle société de fabrication de matériel informatique mondiale où j’ai déployé un CRM dans le monde entier, l’enjeu était aussi et surtout de tirer des prévisions de vente de PC très précises et pour cela, les commerciaux étaient mis à contribution au travers du CRM, le CRM était ainsi devenu un véritable outil transverse : marketing/vente/industrie.

Mais dans tel autre exemple d’une société du secteur des “utilities”, le sujet était également un enjeu d’organisation commerciale, au cœur d’une transformation qui touchait une société proche du secteur public et qui se dotait de nouvelles organisations plus commerciales davantage structurées.

Il en est souvent ainsi dans les grandes entreprises, les outils sont les mêmes, les motivations sont souvent différentes.

Comment faire que l’outil CRM permette de rapprocher les deux métiers

Pour les cas, dans les sociétés plus grandes, où il y a donc véritablement besoin de faire travailler marketing et vente ensemble, comment s’y prendre ?

Il est nécessaire d’impliquer les deux métiers. Les commerciaux doivent être partie prenante de la discussion sur les typologies de leads qu’ils veulent générer, comment les faire arriver dans le processus, et qu’il y ait un feedback tant sur leurs actions que leurs inactions.

La recommandation de Sunny est frappée au coin du bon sens. Dans tous les cas, si vous éludez cette question, sachez qu’elle vous reviendra en boomerang immédiatement après la mise en œuvre de votre outil. Autant anticiper les questions et les objections de vos utilisateurs.

Le point le plus important est le plan de transition, les différents intervenants doivent être d’accord sur ce qui doit être livré et comment cela doit être livré

“Comment s’assure-t-on que le lead est pris en main ? S’il n’est pas pris en main, pour quelle raison ? Était-il mauvais ? Ce qu’on est en train de monter est-il inefficace ?” Autant de questions auxquelles il vaut mieux réfléchir avant de lâcher les commerciaux sur l’outil.

Ces questions préliminaires étant posées, vient ensuite celle de l’outil lui-même.

Une fois qu’on sait ce qu’on veut faire, la question à se poser est quel est le bon outil pour le marketing, quel est le bon outil pour les commerciaux, et comment les faire parler ensemble

Il ne faut pas nier à ce sujet une certaine dose, irréductible, de subjectivité. Vous n’y échapperez jamais, il vaut mieux dans ce cas jouer le jeu et entre en négociation avec les différentes parties prenantes dès le départ du projet. Attention cependant, négociation n’a jamais voulu dire qu’il fallait satisfaire ses interlocuteurs en tous points, mais qu’il faut que le groupe sorte collectivement de la discussion avec la convocation intime d’avoir gagné (cf. le fameux livre Getting to Yes).

Importance de la formation et de l’accompagnement

Tout va dépendre de la complexité de l’outil qui est mis en place” souligne Sunny. Il semble cependant acquis, selon Forrester, qu’il existe un souci du côté de la formation et l’introduction à l’outil comme cela est indiqué dans la figure 7 de leur étude.

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Qu’est-ce qui pourrait rendre votre CRM plus efficace ? En tête la formation et la disponibilité des données dans toute l’organisation et l’IA. [résultats volontairement tronqués pour préserver la lisibilité du graphique] – Source Forrester – étude de mai 2021

“Sur les processus les plus complexes, des formations vont être nécessaires pour que les collaborateurs comprennent l’outil, comment en tirer le meilleur parti, et surtout pour leur expliquer en quoi il va leur apporter quelque chose de mieux”, poursuit Sunny.

Une conduite du changement doit résulter dans une amélioration. C’est le point fondamental

“Les collaborateurs sont prêts à passer une petite période où cela pourra être moins bien, mais ils doivent rapidement ressentir un progrès pour adopter l’outil. Il faudra aussi régulièrement remettre en place des formations quand il y aura un peu de relâchement sur certaines choses.”

Conseils aux managers ou aux dirigeants

J’ai enfin demandé à Sunny Paris de conclure avec quelques conseils qu’il pourrait prodiguer à des dirigeant(e)s qui chercheraient à utiliser cet outil de CRM pour mieux rapprocher ces deux composantes essentielles de l’entreprise, la vente et le marketing.

  1. Le premier conseil de Sunny est d’identifier son vrai besoin. Jusqu’à une certaine taille d’entreprise, qui peut aller assez haut, un CRM complet est inutile, souligne-t-il. Il faut que cet outil ait une véritable utilité pour l’entreprise en termes de business et non de reporting. Il résume cela ainsi : “Il ne faut pas essayer de résoudre des problèmes qu’on n’a pas“. 
  2. Ensuite, il faudra mettre en place un véritable processus qui va permettre de passer d’une équipe à une autre équipe. On l’a vu dans l’étude Forrester, cela correspond aussi à la volonté des commerciaux. Il faut leur montrer que ce qu’ils saisissent dans le CRM est utile aux autres, à l’entreprise tout entière.
  3. Enfin, il faut construire la bonne solution. “Des produits existent aujourd’hui pour répondre aux problématiques du marketing, des ventes, de la facturation, de la téléphonie IP, etc.” explique Sunny, “on peut construire la bonne solution vente marketing, support vente marketing, support vente, dans la combinaison adaptée, avec des applications pas chères, et qui permettront aussi de grandir”.

Pour les grandes sociétés les motivations sont bien différentes et surtout, elles changent d’un cas sur l’autre. Il n’existe pas deux cas identiques dans la mise en œuvre d’un logiciel de ce type (sauf à adopter des démarches de Business Process Reengineering, peu appréciées en France).

Forts de ces conseils, vous avez les atouts en main pour faire en sorte que votre outil de CRM ne soit plus un obstacle entre votre département vente et vos commerciaux, voire qu’il devienne un atout dans le rapprochement de ces deux métiers.